La jeune fille de la mer [1/8]

La jeune fille de la mer [1/8]

     Il y avait cette douleur de ne plus rien ressentir et cette immense frustration, cette immense peine de n’être plus que haine et déchirures ; même plus capable d’aimer.
     Dans ce trou noir qui me tenait lieu d’avenir avaient chaviré mes rêves et mes espoirs, les illusions d’un cœur jeune et trop naïf encore.
     Je ne voyais pas d’avenir, trop effrayée pour l’imaginer, trop hébétée par la douleur pour reconstituer mes chimères. Je disais ne vivre que le présent et me moquer de tout ; je disais que rien n’avait d’importance, qu’après l’amour déchu plus rien – ni personne – ne méritait une once de mon attention, un seul battement de cil ou de cœur. En fait de présent, évidemment c’était le passé qui me collait au corps, comme une seconde peau de poussière que le temps aurait engluée là comme sur un poupon synthétique oublié dans une chambre d’enfant mort.

     J’étais happée sans le savoir par le trou noir, hypnotisée par l’obscur, proie impuissante offerte à sa voracité. Répandant mon venin je brûlais tout autour de moi ; affolés comme la civilisation face au volcan, les gens fuyaient. Ils partaient un à un, me couvrant chacun des couches successives de leur visqueuse déception.

     Il n’y avait plus rien alors dans cette case d’infortune où je me terrais ; même mes glyphes malhabiles n’avaient plus de sens ; et l’engloutissement menaçait. Il fallait la mort ou l’exil.

     J’étais au bord de l’inéluctable, quasi statufiée et le cœur presque éteint, n’osant faire le choix que je savais juste et salvateur ; quand précisément une opportune providence se manifesta. Alors, au fil de mots inconnus poussée vers l’esquisse d’un songe, je me détournai du trou noir.

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