OE - Before everything - 14

    *Encore 6 mois plus tard...*

    Un matin comme les autres, IL était là, sans raison, sans chaussures.
    Et il était… bleu.

    À peine la porte de la cuisine franchie que Féliko poussa un cri strident pour reculer d'un bon mètre, se cognant de ce fait dans sa féline consœur. LÀ !!! Il y avait un… ce… cet humain dans la pièce !!!
    Un humain…? Encore un autre ? Helly n'aimait pas ça, oh non, pas du tout ! Elle avait mis des mois et des mois à accepter d’adoucir un peu son jugement vis-à-vis de Viktor et ce n'était qu'avec l'apparition d'un nouvel envahisseur ailé (un dénommé Nathaniel dont la spécialité paraissait être la disparition spontanée de l'eau chaude et du contenu de leur frigo) qu'ils avaient trouvé leur première activité commune : ennuyer leur ennuyeux colocataire angélique.

    Ce type en blouse sale… d'où sortait-il ? Personne ne l'avait croisé ou seulement sonné qu'il se servait déjà du café, un sourire goguenard aux lèvres !
    Cela dit, sa compagnie inédite ou même son hygiène d'apparence douteuse n'étaient pas ce qui frappait le plus à première vue, mais bien sa tête juvénilement ronde surmontée d'une masse capillaire céruléenne ressemblant à s'y méprendre à une barbe à papa radioactive... ou bien un champignon nucléaire. Les deux comparaisons se valaient.

- Hellooo ! piailla l'étranger en levant une cafetière fumante après un coup d’œil (bleu lui aussi, tirant sur une teinte mer des Caraïbes) à la porte. Vous en voulez un peu ? Je suis en train de m'en faire !

    Quoi…? Descendant juste des escaliers, le sorcier brun avait également passé la tête par l'embrasure en voyant les deux Félis stationnés devant sans oser y entrer : Nathaniel était-il encore en train de voler des yaourts ?
    Non. La réponse était néanmoins plus étonnante que leur non-ordinaire réalité.

- Qui êtes-vous ? osa la chatte blanche, les yeux plissés, bras croisés sur la poitrine afin de toiser l'homme sans gêne.
- Docteur Iakov Howard Emmett Drobievski. Mais "Doc" fera aussi bien l'affaire. Ou "Iakov" si vous n'avez pas peur des sonorités un peu exotiques une fois que nous serons des intimes. Du café ou pas alors ?
- Des… intimes ? elle eut l'air révulsée. Que faites-vous ici ?
- Je m'installe ! Damnée biotine, quelle drôle de question !
- La propriétaire est au courant ? Elle ne nous a rien dit…! miaula Féliko d'une petite voix tendue tant la précipitation de l'individu enblousé le déstabilisait.
- J'irai me présenter tout à l'heure, rien ne presse. Et puis je suis inutile sans mes douze premiers mokas. Je dois donc supposer que vous n'en voulez pas ?
- Vous supposez bien. Et je suppose aussi que vous savez que vous violez une propriété privée.
- Rhoooo, tout de suite ! Je ne viole rien du tout, c'est grossier de dire ça. On m'a dit au village que des fous vivaient ici, étant fou moi-même, je me suis dit que j'y serais chez moi.

    Les trois jeunes gens se regardèrent, désemparés. Ils savaient qu'ils n'avaient pas bonne réputation et que cette maison servait d'hébergement à ceux qui en avaient besoin. Fallait-il pour autant accueillir cet hurluberlu sans aucune manière ?

- Très bien... mais vous prendrez la chambre de Viktor, ironisa la féline.
- HEIN ??? s'époumona le concerné. Pourrrquoi la mienne ?
- Tu m'as l'air sympathique et de moins perdre tes poils que les autres. Parfait, tu vas tout de suite me montrer ton baraquement mon garçon !

    Il n'eut pas le temps de l'arrêter. Son broc de café dans une paluche tournoyante, le simili-scientifique synthétique grimpait déjà les marches du grand escalier central.

***

    Farfelue et quelque peu brutale, cette présentation ne laissa en rien présager aux locataires que, près de deux ans plus tard, ce gus haut en couleurs serait toujours sous ce toit, pour ne pas dire sous le logis tout court.
    Dans un aménagement labyrinthique que le Docteur surnommait affectueusement son "laboratoire secret" -bien que l'emplacement soit indiqué par un écriteau- il se terrait à présent loin des combles pour se plonger tranquillement dans quelques recherches d'une nature plus... personnelle...

    Le train-train quotidien et les amitiés méfiantes allaient bientôt se frotter à la dure épreuve infligée par la Réalité et ses sbires…