OE - L'OEtherium - 43

ENG : Illuminated by a strange red light, the white cat suddenly regained the lovely taste of blood and decided to abandon the angel before hurting him. Another departure... Another friend less... All this adventure looks increasingly uneasy and the environment doesn't stop laughing about the sad situation...

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    Les chuchotements s'étaient subitement évanouis, et l'angoisse latente s'était affaiblie. Depuis de longues minutes, ils n'entendaient plus rien et marchaient dans les ténèbres sans retrouver ni Viktor, ni Féliko. Nathaniel avait la main crispée sur son arme, l'oreille aux aguets. Jamais on ne l'avait vu aussi tendu, hormis durant ses pieds de grue devant la salle de bain lorsque l'un ou l'autre de ses colocataires empiétait sur sa plage horaire.
    Les oreilles de l'emplumé ne captaient que le bruit feutré de ses propres pas et ceux de l'opaline, celle-ci examinant partout autour d'elle en espérant accrocher de son œil avisé un infime détail, un indice, un repère. Tout ceci la dépassait... Comment vaincre des ombres ? Comment se rendre quelque part dans les ténèbres continues de ce lieu maudit posé nulle-part ?
 
- Tu pourrais sentir quelque chose ?
- Sentir ? Je ne suis pas un chien.

    Néanmoins, maintenant que son compagnon de route lui rappelait qu'elle avait d'autres sens, la jeune femme se rendit compte qu'une odeur de fer restait dans son museau depuis quelques temps. Elle avait pensé à une énième trace de folie, mais cette odeur lui sembla d'un coup plus réelle : du sang... partout, dans l'air...
    Laissant ses bras retomber le long de son corps, impuissant, l'immortel se sentait devenir amer à cette annonce, presque névrosé. Ce royaume les surveillait, se jouait d'eux et se plaisait à les observer se débattre dans le néant jusqu'à ce que la folie les consume. Le pire était d'imaginer Féliko perdu dans cet enfer... Soudainement, une nouvelle rafale de chuchotements plongea sur eux, et leurs poils plus ou moins fournis se dressèrent dans un nouveau frisson. Quelque chose de terrible venait de se passer à l'instant, il leur était impossible de savoir quoi.
    Inspiré d'un soudain éclair de lucidité, Nathaniel posa une main sur le bras de sa voisine afin de capter son attention, puis, la laissant interdite, il se retourna, bras écartés vers le grand rien et se mit à hurler... hurler, traitant leurs potentiels hôtes de lâches immondes, sans visage, préférant ramper et se cacher plutôt que de jouer franc-jeu !

    Pour toute réponse, un souffle doucereux effleura son esprit...
 
    Totalement pris au dépourvu par cette étrange sensation, le Gardien eut un sursaut. Avant de n'avoir pu comprendre ce qui arrivait, une vague d'effroi lui tomba dessus comme un coup de marteau chauffé à blanc, le forçant à se recroqueviller sur lui-même tandis que ses ailes s'agitaient avec force. Helly voulut lui porter secours mais ce fut à son tour de ressentir la terreur se répandre en son âme. Elle accusa le choc en reculant de quelques pas, fermant les yeux et se mordant la langue pour échapper à la peur par la douleur. Rien n'y fit. À part, peut-être, la saveur délicieuse de son sang.
    Un rire, un flash écarlate, puis le silence à nouveau. Cette saveur inégalable, qu'elle ne connaissait que trop bien dilatait ses narines et apportait avec elle de violentes vagues d’excitation, tandis qu'une force invisible tentait de réveiller en elle de vieilles pulsions animales. Très théâtralement, un faible éclairage couleur carmine révéla progressivement la demoiselle. L'expression qu'elle hissa alors en baissant la tête ne fut pas pour plaire au séraphin tant il la connaissait.

- Ce n'est vraiment pas le moment, tu dois lutter..., murmura-t-il avec l'expression navrée. Si tu aimes te battre, alors bats-toi pour le bon côté. Pour Féliko et Viktor.

    Elle eut un rire brisé. Des larmes de rage et de désespoir naissant au bord de ses paupières. Les poings s'ouvraient et se refermaient à un rythme lent et régulier, pulsatile. L'ange se redressa de toute sa hauteur et se planta devant la nouvelle tigresse en devenir, lui tendant sa main arachnéenne. Deux iris félins se rivèrent sur cette main tendue, mais l'esprit était occupé par le goût entêtant qui appelait à la sauvagerie.
    Le regard de Nathaniel, lui, était d'acier : ses yeux semblaient être la seule étincelle de lucidité dans cet univers de mort. L'hybride s'accrocha à cette lueur comme unique phare pour la guider sur l'océan de la démence, mais elle se sentait au bord du gouffre, attirée par le vide, prête à basculer.

- N-ne reste pas là, va les retrouver, dit la blanche.
- Hors de question de laisser encore un membre derrière. Tu viens avec moi.
- Pour que je les tue la prochaine fois que je les aurai sous la main !?
- Tu ne le feras pas. J'ai confiance. Nous avons tous confiance en toi. En nous. Tu dois m'aider.

    Il agita ses doigts sous sa truffe, comme une invitation lorsque d'un geste vif comme l'éclair, une rangée de griffes creusa un sillon dans la chair angélique. Helly recula aussitôt alors que son compagnon fermait en soupirant poing et paupières, laissant le sang ruisseler doucement le long de sa manche pervenche. Dépité, noyant une colère sourde en lui, il se tourna vers le néant et déploya ses ailes pour maudire les forces obscures se délectant de leur malheur affiché.
    Alors qu'il hurlait sa rancœur, des bruits de pas indiquèrent que son amie s'éloignait en courant. Nathaniel se retourna avec vivacité pour découvrir une queue blanche disparaître dans le noir et cette vision lui fit serrer les dents : il y avait deux choses qu'il ne supportait pas : la calvitie et l’échec.