Wildcards - Une autre forme [Hors-Serie 5] (texte)

Shikta ! pesta Ako. Il part à Hell-point pour avoir des infos et c’est moi qui finis par me taper tout le boulot…

Casquette enfoncée sur la tête, la Daeyaméenne suivait à bonne distance un homme d’une quarantaine d’années. Celui-ci venait de sortir du métro et marchait désormais dans les rues du dôme Providence.

Le district était ancien, mais bien entretenu. S’il avait un jour été un symbole d’espoir et de renouveau, il était aujourd’hui devenu un simple quartier résidentiel pour classes moyennes.

Ako avançait au milieu des esclaves corpo sans quitter sa cible des yeux. Celle-ci venait de s’engager dans une rue commerçante où de gigantesques holo-pubs vantaient aussi bien le dernier NERPS en date que le programme de colonisation d’Oan IV . Et soudain, une délicieuse odeur de mandras frits, provenant d’un stand ambulant, parvint jusqu’à elle. Elle saliva rien qu’à l’idée de pouvoir en acheter… Cela faisait décidément trop longtemps qu’elle mangeait les rations de survie stockées dans son module poussiéreux – au point que ceux-ci lui donnaient des nausées depuis quelques jours… La Daeyaméenne se força toutefois à rester concentrée et poursuivit sa filature en laissant derrière elle ses envies de street food.

L’homme continua un peu, tourna à l’angle de la rue et, une centaine de mètres plus loin, entrait dans un vieil immeuble. La façade de ce dernier alternait entre terrasses végétalisées et grandes baies vitrées rendues – pour la plupart – opaques par polarisation. Typique des habitations construites avant l’indépendance ambrosienne…

La ghostrunneuse vérifia autour d’elle que personne ne lui prêtait attention, puis entra à son tour dans le bâtiment. Sa cible n’était plus en vue, mais elle savait où la retrouver : troisième étage, porte E. Une fois devant l’appartement en question, Ako pirata l’Intelligence Restreinte de l’immeuble puis se glissa sans un bruit dans l’entrée.

Elle tendit l’oreille. Sa cible semblait vaquer à ses occupations, il ne l’avait pas entendue. Elle sortit un pistolet cinétique de derrière son dos et s’avança à pas feutrés jusqu’au salon. L’homme était là. Il ne la vit pas immédiatement et sursauta lorsqu’il se rendit compte de sa présence.

- Qu’est-ce que… balbutia-t-il. Qui êtes-vous ? Comment êtes-vous entrée ?

Sans une trace d’émotion sur le visage, la Daeyaméenne leva son arme et indiqua le canapé d’un signe de tête.

- Assieds-toi, ordonna-t-elle froidement.

Mains en l’air, l’homme s’exécuta. Il tremblait de peur. Ako sortit alors une enveloppe de la poche intérieure de son blouson et la jeta sur la table basse. L’homme la récupéra avec appréhension puis, encouragé par Ako, l’ouvrit et regarda à l’intérieur. Il devint livide.

- Co… comment avez-vous…
- Compromettant, n’est-ce pas ? demanda la Daeyaméenne avec un sourire mauvais.
- Si c’est de l’argent que vous voulez, se risqua-t-il, vous devez savoir que je ne suis pas très riche…

La ghostrunneuse sortit une puce de stockage optique de sa poche et la posa sur la table avant de la faire glisser jusqu’au pauvre type.

- Qu’est-ce que c’est ? s’inquiéta-t-il.
- Le numéro de série d’une pile corticale, expliqua la Daeyaméenne avant de préciser : fabriqué par ta corpo. Je veux tout savoir sur l’entrepôt où elle est stockée ; ou sur la boite qui a acheté le lot dont elle faisait partie. Je veux toutes les données. Toutes. C’est bien clair ?

L’esclave corpo déglutit puis acquiesça sans quitter Ako des yeux. La daeyaméenne ne le montra pas, mais elle fut rassurée : à la demande de Lenny, elle avait passé les dernières semaines à identifier ce cadre de CelesTech, puis à collecter tout ce qui pouvait permettre de le faire chanter. Savoir qu’elle n’avait pas perdu son temps était un soulagement.

- Bien, conclut-elle d’une voix toujours aussi froide. Tu as une semaine pour tout transférer sur cette puce. Quand ce sera fait, branche-là simplement à un appareil connecté à l’infosphère. Si j’obtiens ce que je cherche, je détruirais les originaux de la pochette.
- Comment être sûr que vous n’allez pas garder une copie ?
- Tu ne peux pas, répliqua-t-elle avec un petit sourire. Et ça ne change rien à tes options.



--------------
(1) : Programme de colonisation d’Oan IV : L’offre de New Hope Inc. consiste en un package personnalisable incluant un aller simple pour la planète habitable Oan IV dans le système Naagiar, un module-habitat adapté à l’environnement oannite, ainsi qu’un kit complet de colonisation. Un départ tous les six mois, dans la limite des places disponibles.