OE - L'OEtherium - 99

ENG : Escaping the ferocious tentacles, our heroes climbed to the Manor’s floor. Alas, no door opened to anything but more madness. Bianca, discovering a forest of trees thrilling like veins, plunged her hand into a lake of blood, fascinated. Viktor looked at her without understanding, angry and disgusted.

***

    Helly ouvrit toutes les portes une par une, se demandant si la folie ne frappait pas à la sienne, car à chaque fois, celles-ci donnaient sur un univers différent : lande enneigée battue par les vents, antichambre vide, exiguë et sans issue, mer sale où flottaient de mystérieux corps inanimés, obscurité absolue happant même les peurs, forêt palpitante traversée par une rivière sanguine... Aucune trace de leurs amis ou même des pièces habituelles. Laissée ouverte, la salle forestière semblait tout à la fois terriblement inquiétante et attirante.
    La demoiselle s'en approcha, ne songeant même pas qu'ici aurait dû se tenir sa chambre. Elle se baissa, laissant sa patte passer à travers la porte ouverte, effleurant les flots : son pelage se recouvrit d'un rouge sombre, un rouge familier. Et au lieu de retirer sa main comme elle l'aurait dû, la féline sombra dans un élan de fascination : repliant et dépliant lentement ses doigts, elle admira la teinte qu'ils avaient pris pendant que le sang gouttait lentement sur le sol, formant une petite flaque écarlate à ses pieds. Elle fit un pas en avant, plongeant tout son bras dans la rivière, puis le sortit entièrement recouvert du précieux liquide tant apprécié. Viktor hocha gravement la tête, mais la jeune femme semblait l'avoir oublié. Que pouvait-il y avoir de plus beau que ce rubis, tranchant avec la blancheur de ses poils ?
    On la ramena en arrière. Helly se tourna et parut étonnée de voir le slave à ses côtés, lui demandant pourquoi elle restait là à badiner morbidement devant cette porte. Elle cligna des yeux sans comprendre, aussi, il la tira encore un peu mais l'opaline dirigea de nouveau son visage vers la pièce, pensive. Que voyait-elle ?

- Du sang..., répondit-elle, absente.
- Pourrrquoi ? commença-t-il, faisant de son mieux pour garder le même ton de voix. Pourrrquoi t-tu aimes autant le sang ?
- Parce qu'il est magnifique... Tu ne trouves pas ?
- Non...
- Tu ne peux pas comprendre. Tu ne sais pas ce que c'est que de le voir couler, au fur et à mesure des battements qui s’essoufflent...
- Non en effet... Les s-souffrrrances des autrrres ne m'amusent pas..., fit-il avec une grimace qu'elle ne put voir.
- C'est au-delà de ça...
- Ha ? Et c'est quoi ?

    L'hybride ne répondit pas. Le frisson rouge commençait à teinter son cœur. Lorsque le mage la re-secoua, elle sursauta puis le regarda encore avec surprise, comme si elle le découvrait une énième fois. "Tu es en t-trrrain de... parrrtirrr." susurra Viktor d'une voix déchirée. Quoi ? Il délirait ! Elle fronça un sourcil et leva l'autre, ne comprenant pas de quoi il parlait.
    Le jeune homme appuya doucement sur sa patte, mais cette fois-ci, elle ressentit une douleur, comme si une décharge parcourait son bras qu'elle retira d'un geste vif. Seulement là, elle se rendit compte que ses doigts étaient véritablement recouverts de sang. Un sang qui lui glaçait les os. Helly frotta son bras avec son pull pour le faire partir mais sa toison restait tachée de manière honteuse.

- Mais qu'est-ce que c'est que ça !?
- D-drrrôle de question venant de t-toi... Du sang !
- Qu'est-ce que ça fait sur moi ? Je ne me suis pas blessée pourtant !
- Tu viens de... de passer ton brrras parrr cette porrrte... Tu ne t-te souviens pas ?

    Elle regarda l'ouverture, ramenant son membre contre elle.

- Il n'y a rien là-dedans, nia-t-elle.
- Si... tes souvenirrrs..., supposa-t-il, hésitant,  une main ébouriffant sa barbe. Tu ne veux pas me d-dirrre... pourrrquoi cette... fascination ?
- Quelle fascination ? Je ne comprends rien à ce que tu racontes, affirma-t-elle tout en relevant sa manche pour observer le sang indélébile ; ce n'était de toute évidence pas le sien.
- Tout le temps... Tu aimes ça, et tu t-te détestes carrr tu aimes ou as a-aimé ça, pourrrquoi ?

    Sans qu'elle ne quitte son bras des yeux, un rictus étira un coin de ses lèvres pour lui répliquer effrontément : "Comme s'il fallait une raison pour tout…"